Les stimuli sensoriels et l’ergothérapie

Les stimuli sensoriels et le mouvement font partie de la vie dès la naissance. Dans les premières semaines de vie, le bébé bouge de façon incoordonnée en agitant les bras et les jambes. Il est aussi en train de développer sa vision.

Puis, le cerveau raffine la planification, l’organisation et la coordination de toutes les informations qui proviennent du corps de l’enfant qui interagit avec son environnement.

Vers l’âge de 12 à 15 mois, l’enfant augmente l’accessibilité à explorer son environnement par l’acquisition de la marche. Mais, depuis sa naissance, l’enfant utilise ses 7 sens: la vision, l’audition, le goût, l’odorat, le toucher, le vestibulaire et la proprioception. La majorité du temps, on parle de 5 sens mais on oublie les deux derniers qui sont très importants dans le développement de l’enfant.

Le sens de la proprioception provient des muscles, des articulations, des ligaments et des os. Ceux-ci envoient de l’information au cerveau comme la vision ou l’audition. Ce sens de la proprioception est important pour que le corps puisse s’orienter dans l’espace puis planifier et exécuter des mouvements.

Le sens vestibulaire, quant à lui, provient des oreilles internes.  Lorsque le corps bouge, l’oreille interne envoie au cerveau  de l’information sur la direction et la vitesse du mouvement. Grâce à ce sens, le corps peut ajuster sa position dans l’espace tout en développant l’équilibre et le tonus musculaire.

Il y a quatre étapes dans le fonctionnement sensoriel. Les 7 sens reçoivent de l’information provenant de l’environnement de l’enfant. Ils transmettent ces informations au cerveau. Celui-ci analyse et traite l’information dans plusieurs zones de ses hémisphères cérébrales. Par la suite, le cerveau envoie des messages au corps pour qu’il réagisse.

Les  sens permettent donc, de produire des réactions au niveau du comportement, des interactions sociales, des apprentissages. Bien sûr, ils sont nécessaires pour le développement général de l’enfant.

La modulation sensorielle

Tous les sens sont en éveil en même temps mais le cerveau ne peut pas traiter toutes ces informations en s’y attardant de la même façon. La modulation sensorielle est cette capacité d’obtenir un équilibre pour être capable de considérer que certaines informations sensorielles sont plus importantes que d’autres dépendamment des situations.

L’enfant développe cet équilibre à mesure qu’il grandit. L’enfant apprend à faire des distinctions. Lorsqu’il ne réussit pas à moduler les informations provenant de ces différents sens, l’enfant va être en hyperéactivité ou en hyporéactivité . Dans ces situations, ses réactions auront un impact sur son comportement, ses interactions sociales ou ses apprentissages.

Il y a hyperéactivité lorsque les stimuli perçus comme normaux pour la majorité des enfants entraînent une réaction plus grande ou plus importante chez l’enfant. À l’inverse, l’enfant peut ètre en hyporéactivité s’il perçoit moins les stimuli que les autres enfants.

Ces réactions d’hyperéactivité ou d’hyporéactivité peuvent se retrouver pour chaque sens. L’enfant peut être en recherche de stimuli sensoriels ou en évitement. Il peut être hypersensible ou hyposensible aux stimuli.

C’est même possible que le cerveau a besoin de stimuli plus fréquemment, de façon plus intense, durant un laps de temps plus long pour les enregistrer et déclencher le cycle des 4 étapes mentionnés précédemment (réception, analyse, traitement, action par le corps).

Un exemple du fonctionnement de deux enfants

Voici un exemple pour expliquer comment deux enfants différents âgés de 3-4 ans dans le même environnement peuvent utiliser les informations provenant de leurs différents sens:

Manuel et Xavier sont dans une salle où il y a du bruit, d’autres enfants et plusieurs jouets accessibles. Manuel bouge continuellement pour toucher aux différents jouets. Il ne reste pas longtemps au même jeu. Il ne tient pas compte des autres enfants en courant dans le local et son comportement est peu sécuritaire pour lui et les autres enfants.

Xavier est dans la même salle. En entrant dans la pièce, il ne regarde aucun ami et se dirige directement vers un jeu de construction qu’il reconnaît. Il s’assit au sol et se met à faire une tour de blocs avec le jeu. Xavier n’est pas intéressé par ce qui se passe dans la pièce. En courant, Manuel accroche la tour de blocs et la fait tomber! Xavier se met à pleurer! Manuel continue à courir!

Deux enfants, deux comportements différents dans le même environnement. Manuel est à la recherche de stimulation sensorielle en lien avec son hyporéactivité au niveau des sens proprioceptif et vestibulaire. Cela a un effet sur son comportement d’être constamment en mouvement dans la salle.

Quant à Xavier, il a besoin de faire une activité qu’il connaît: les blocs. Il utilise peu sa vision et son audition pour explorer son environnement.  Il met son attention sur un objet et a ignoré les autres stimuli (bruit, mouvement). Son comportement s’est arrêté sur la tâche de construire une tour.

Dans cet exemple, lorsque nos deux amis seront rendus à l’école, Manuel aura peut-être besoin d’adaptations pour diminuer les distracteurs dans la classe afin de faciliter les apprentissages scolaires. Pour Xavier, celui-ci pourrait avoir besoin de soutien et de stimulation pour l’aider à établir des relations avec ses pairs et faciliter les transitions lors de changements.

L’ergothérapie et la modulation sensorielle

L’ergothérapeute peut aider les deux enfants malgré leur dynamique très différente. L’ergothérapeute peut évaluer le profil sensoriel de  chaque enfant. Il va recueillir des notions sur le comportement de l’enfant en lien avec le traitement des informations provenant de ses sens et de ses réactions au niveau social et de ses apprentissages.

Par son analyse, il peut déterminer un plan pour intervenir auprès de l’enfant par des actions et des activités à privilégier selon différentes approches thérapeutiques. En fonction de la dynamique de chaque enfant, ses interventions vont faciliter la modulation sensorielle, permettre de mettre en place des stratégies compensatoires et clarifier l’utilisation d’adaptations en vue d’aider l’enfant dans son quotidien.

L’ergothérapeute travaille en collaboration avec les parents et les intervenants des milieux scolaire ou de garderie pour obtenir une concertation par un travail d’équipe.

Françoise Lespérance, ergothérapeute

de Jouer et Grandir

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L’alimentation et les difficultés sensorimotrices

L’alimentation peut être difficile lors de troubles sensorimoteurs chez l’enfant. Dans cet article, nous allons regarder de plus près, les difficultés rencontrées lors de trouble oro-moteur (autour et dans la bouche) chez le jeune enfant. L’objectif est de se familiariser avec les différentes difficultés et d’y apporter quelques pistes de solutions pouvant se mettre en action facilement à domicile.

Hypotonie musculaire

Chez certains enfants, le contrôle moteur général est faible. Cela peut leur prendre plus de temps à maintenir la position assise et commencer à marcher. Cela peut être de l’hypotonie musculaire. Au niveau oro-moteur, le contrôle des mouvements de la langue, de la mâchoire, des lèvres, des joues s’avère difficile.Un des signes est que l’enfant ne maintiendra pas toujours la bouche fermée. Il aura de la difficulté à retirer les aliments de la cuillère ou bien positionner ses lèvres sur la tétine du biberon. Il a souvent une perte salivaire entre les repas car sa bouche demeure ouverte avec des lèvres desséchées.

Mouvements non fonctionnels de la langue

La langue a un grand rôle pour former le bolus ( bol alimentaire). Si elle ne remplit pas bien sa fonction, les aliments se retrouvent dispersés dans la cavité orale, au palais ou dans l’arrière-gorge avant la déglutition. En effet, la langue aide au déplacement des aliments vers le côté de la dentition pour faciliter la mastication. Puis, elle ramène tous les aliments vers le centre pour faire le bolus avec la salive. Par la suite, elle aide à pousser le tout vers l’arrière-gorge pour la déglutition. Lors de difficulté, l’enfant va faire des mouvements avec sa tête pour aider à propulser le bolus vers l’arrière.

Autres problématiques parfois présentes

Il y a beaucoup d’autres difficultés motrices qui peuvent influencer la qualité de l’alimentation de l’enfant. De plus, des malformations des structures orales vont avoir des impacts sur les habiletés orales et motrices tel que la succion et la mastication. Un réflexe de déglutition absent ou retardé peut avoir comme conséquence des aspirations dans les voies respiratoires.

Les désordres alimentaires de nature sensorielle

Il est possible d’observer certains comportements inadéquats au niveau sensori-moteur. Parfois, l’enfant réagit violemment à plusieurs aliments pouvant aller jusqu’au réflexe de vomissement même lorsque les textures sont adéquates. Par exemple, l’enfant est capable de mastiquer un fruit mou comme une banane mais chaque fois qu’il essaie d’en manger, la réaction de vomissement est présent. Ce comportement est présent pour plusieurs aliments sucrés et salés.  C’est possiblement une hypersensibilité tactile. Les transitions entre les purées et les solides ou certaines consistances des aliments sont pas facilement acceptées. Il peut aussi réagir violemment à l’odeur des aliments lorsque ils sont présentés avec la cuillère. Dans ces circonstances, cela devient difficile pour le parent de varier l’alimentation de l’enfant.

À l’inverse, l’enfant hypo-sensible, pourrait conserver des aliments, dans sa bouche, collés au palais ou dans l’arrière-gorge sans avoir la réaction de vomissement. Cela peut représenter un risque d’étouffement ou d’aspiration de nourriture vers les poumons. Il y a aussi perte salivaire hors de la bouche sans que l’enfant en soit conscient. Il peut accumuler une grande quantité d’aliments dans sa bouche. Il peut vouloir prendre de très grosses bouchées. Ou bien, il peut préférer des mets très épicés et des boissons gazeuses.

L’enfant présentant des difficultés sensorimotrices a majoritairement d’autres problématiques sensorielles tactiles telle que la difficulté d’accepter des sensations sur la paume de ses mains (ne veut pas toucher à différentes textures) ou sur la plante des pieds (peut marcher sur la pointe des pieds). Il ne tolère pas les vêtements serrés ou réagit fortement si son bas est mal positionné dans son soulier, etc…

Pistes de solution pour les troubles sensorimoteurs reliées à l’alimentation

Souvent, une intervention globale pour moduler le trouble sensorielle est pertinent. Cela va faciliter une intégration neurologique des différents stimulus reçu par le système tactile(la peau). Le système tactile inclut la zone orale (interne et externe) de la bouche.

SI VOUS DÉSIREZ DES SUGGESTIONS PLUS COMPLÈTES, CLIQUEZ SUR PROGRAMME D’EXERCICES ORO-MOTEUR.

Voici quelques suggestions à mettre en place dépendamment de l’objectif à cibler:

Stimuler la fermeture de la bouche pour éviter la perte de salive ou faciliter la fermeture des lèvres sur la cuillère

  • Avec une débarbouillette douce et sec, faites des mouvements de massage sur le visage de l’enfant en direction des lèvres pendant 20-30 secondes avant les repas. Les mouvements doivent partir: a) du haut des joues pour descendre vers les lèvres, b) du menton pour se rendre aux lèvres et c) de la base du nez vers les lèvres. La pression exercée dans le massage doit être agréable à l’enfant. Le mouvement peut être modéré à plus rapide. Si l’enfant préfère un rythme plus lent, ajustez les mouvements. Toujours faire les deux côtés du visage de façon similaire.
  • Si l’enfant refuse que vous lui touchiez le visage, débutez par un jeu où l’enfant reçoit la débarbouillette dans le visage (ex.:jouer à la cachette) puis allez vers les mouvements mentionnés précédemment.
  • Avec votre index et majeur, touchez l’enfant dans la zone autour de la bouche dans un mouvement continue ayant une pression modérée. Le mouvement doit se faire toujours en direction des lèvres. Par exemple, débutez en partant sous le nez et arrêtez lorsque vous toucher les lèvres. Le mouvement de pression faite avec les doigts doivent faciliter la fermeture des lèvres. De faire cet exercice dans les minutes précédents le repas aide les muscles et le système sensoriel à se préparer à fermer les lèvres lorsque se présentera la cuillère.

Fournir une stimulation sensorielle aux gencives pour faciliter la modulation de l’information et obtenir des réponses adaptés aux aliments

  • En utilisant une brosse douce pour enfant ou votre index, frottez doucement les gencives (au-dessus et en-dessous des dents) en appliquant une pression moyenne. Débutez au milieu de la bouche vers un mouvement vers l’arrière de la bouche.
  • Si l’enfant refus cet exercice, utilisez une bosse électrique pour lui masser les gencives

Stimuler les mouvements de la langue pour obtenir la production du bolus lors de l’alimentation

  • En utilisant la brosse en dent douce pour enfant, faites des mouvements de pression sur le milieu de la langue pour que celle-ci forme un « U ». Maintenir pendant 2-3 secondes avant de relâcher.
  • Allez toucher l’intérieur des joues et demandez à l’enfant de venir toucher avec sa langue (s’il peut comprendre la consigne)

Ces suggestions ne remplacent pas une évaluation faite par un professionnel de la santé pour établir un plan d’intervention individualisé pour un enfant. N’hésitez pas à consulter un ergothérapeute de votre région pour recevoir un soutien personnalisé.

Françoise Lespérance, ergothérapeute de Jouer et Grandir

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